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Ayant vécu très tôt au contact de la nature, j’ai pu m’imprégner de l’extrême richesse de ses formes, couleurs et variations. Son observation a laissé en moi une empreinte durable qui m’a conduit à me questionner sur certains de ses aspects. Pourquoi cette forme et cette couleur plutôt qu’une autre? Est-ce que tout cela était le fruit du hasard ou d’un long processus de création?

 

Ces questionnements sur la genèse, le déterminisme, le libre arbitre ou encore le hasard dans la naissance des formes ont commencé à s’enraciner progressivement dans ma démarche notamment après une brève période figurative vécue comme un enfermement, une impasse.

 

Durant cette période, je me suis interrogé sur la place de la figuration dans la peinture notamment sur le besoin d’utiliser le réel comme support, comme motif. Pourquoi avoir besoin d’un motif préexistant? La figuration en étant au service du réel n’est-elle pas que la simple illustration d'une idée, d'une point de vue pour faire passer un message (personnel, politique, historique, sociologique, psychologique, etc…)? Le fond n'est-il pas plus important que la forme? À l'inverse, on peut se demander à la lumière de l'histoire de l'art si le style d'une œuvre figurative et le courant auquel elle appartient n'ont pas plus de valeur que le sujet en lui-même? Ainsi, quand on s'intéresse de près à la peinture dans la figuration ne retient-on pas en définitive ce qu’il y a de plus abstrait dans une peinture figurative? 

 

Dès lors, mon détachement de la figuration et mon questionnement sur la liberté dans l’acte de peindre étaient devenus obsessionnels. J’avais besoin d’abolir les contours du monde sensible, de m’en affranchir, de dépasser ses limites pour me projeter au-delà de ses frontières. Je comprenais ainsi que seule l’abstraction pouvait me permettre ce dépassement pour créer mon propre univers.

 

C'est à partir de ce moment, en me libérant de la représentation du réel que j’ai vraiment commencé à considérer la peinture pour elle-même dans sa substance, son essence. Ainsi, en devenant véritablement acteur plus que spectateur, guidé par des relations de cause à effet, je pouvais composer au gré de ma réflexion, de mon intuition, faire naître des formes infinies afin de trouver des équilibres harmonieux, des coexistences heureuses.

 

Ce processus me donnait enfin la possibilité d'éprouver un sentiment de plénitude dans l'acte de peindre et me permettait aussi, en étant détaché de la représentation du monde réel, de mieux comprendre l'abstraction, son histoire et le travail des peintres purement formalistes, d'hier et d'aujourd'hui, qu'il m'était jusqu'ici difficile d'appréhender. Désormais, je pouvais commencer à composer en faisant dialoguer les formes et les couleurs à ma façon selon un certain ordre au fil de mes réflexions et expérimentations, sans perdre de vue mes contemporains, l'avancée de l'abstraction actuelle à travers le monde afin de trouver mon positionnement.

Ainsi, depuis de nombreuses années, j’explore divers aspects de l’abstraction pour libérer mon geste, associer la ligne, le dessin aux aplats, mélanger les techniques pour obtenir des effets, des cohabitations entre couleurs, matières et matériaux. Ceci a contribué à articuler ma démarche autour de trois axes principaux à la fois complémentaires et interdépendants :

 

Le premier se caractérise par un long processus d’accumulation de couches, de recouvrements jusqu’au boutisme. Une manière d’aborder la notion de repentir, de construction et de déconstruction afin de trouver le point d’équilibre ultime. Dans cette approche, il est aussi question d'évoquer le moment précis dans la décision d'achever une peinture. Cette prise de décision arbitraire guidée par mon intuition est inconsciemment une façon de mettre un coup d'arrêt à l'infini des possibles, de le fragmenter à travers chaque peinture et de le rythmer par une temporalité.

 

La seconde s’inscrit dans une approche minimaliste où l’appropriation de l’espace se fait par de petites touches de couleurs, tâches, lignes légères et dynamiques, des interventions rapides laissant une grande place au blanc de la toile et aux respirations. Une façon de prendre le contre-pied de l’approche précédente en composant rapidement dans l’improvisation et en limitant les reprises. 

 

La dernière approche est une synthèse des deux précédentes avec un ajout de collages issus de matériaux résiduels d’oeuvres en cours ou achevées (traces sur des morceaux de papiers, restes de peintures, chiffons usagés…) et des motifs prélevés dans la rue au moyen de transferts à la mine de plomb sur des chutes de toile. Une façon de composer à la fois avec des matériaux recyclés issus de l’atelier, constitutifs de la genèse des œuvres, soulignant ainsi leur interdépendance par imprégnation et également des motifs extérieurs afin d’amener des signifiants touchant à l’inconscient collectif.

 

En pratique, tout commence dans l’atelier, c’est là où tout infuse in-situ et remonte à la surface. Il y a quelque chose de fœtal dans cet espace en vase-clos propice à la maturation des œuvres. Les formes et les couleurs imprégnées de son atmosphère y naissent, prospèrent et chaque action est ressentie à la fois comme un acte conscient d’affranchissement et en même temps conditionnée par des liens de cause à effet. Ces formes sont d’un côté sorties de mon imagination mais ne sont pas étrangères à celles créées antérieurement et même s'il n’y a pas de dimension narrative à proprement parler dans mon travail, ces dernières sont rattachées à mon histoire, mon vécu, mes souvenirs et peuvent évoquer involontairement certains aspects du monde réel (Objet, paysage, scène, etc…). Quoiqu’il en soit, ce qui doit arriver arrive comme quelque chose d’irrépressible à mesure de l’évolution de la composition et aucun travail préparatoire n’est fait en amont. C’est dans l’action, l’improvisation en faisant corps avec la toile, l’espace enveloppant de l’atelier et en entrant progressivement dans un état de trans, de semi-conscience avec le réel que la peinture commence à prendre forme. Rien n’est possible, rien ne peut se produire sans entrer dans cette danse spirituelle autour de la toile posée au sol. Ainsi, des heures durant, en totale osmose avec mon univers, je me concentre sur la composition et j’attends, telle une révélation, que se produise cet instant précis, si particulier, ou peut-être, il se passera quelque chose d’unique donnant à la peinture sa force, son intensité, son équilibre.

L'origine de ma démarche est née d’une réflexion sur la liberté dans le geste pictural et du besoin de dépasser la représentation du monde réel, de m’en affranchir pour aller au-delà de ses frontières, de ses contours, de ses limites. C’est sous cet angle que j’ai commencé à envisager l’abstraction tout en me questionnant sur le principe de causalité, le hasard et le rôle du libre arbitre dans la naissance des formes. Ainsi, en devenant acteur plus que spectateur, partant du constat que tout effet à une cause, je compose au gré de mes réflexions, de mon intuition, mélangeant les techniques pour obtenir des effets, des cohabitations entre formes, couleurs et matières afin de trouver des équilibres harmonieux, des coexistences heureuses. Dès lors, mon approche est devenue strictement formelle et procède d’un agencement structuré, constitué d’interventions méthodiques, de gestes vifs et précis. Au fil du temps des lignes directrices se sont dessiner et enraciner dans des courants oscillants entre expressionnisme abstrait, abstraction lyrique et art brut.

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​​​​​Having lived in contact with nature from a very early age, I was able to immerse myself in the extreme richness of its forms, colors and variations. Observing it left a lasting impression on me that led me to question some of its aspects. Why this form and this color rather than another? Was all this the result of chance or a long creative process?

 

These questions about genesis, determinism, free will or chance in the birth of forms began to gradually take root in my approach, especially after a brief figurative period experienced as a confinement, an impasse.

 

During this period, I questioned myself about the place of figuration in painting, in particular the need to use reality as a support, as a motif. Why do we need a pre-existing motif? Isn't figuration, by serving reality, simply the illustration of an idea, a point of view to convey a message (personal, political, historical, sociological, psychological, etc.)? Isn't the content more important than the form? Conversely, we can ask ourselves in light of the history of art whether the style of a figurative work and the movement to which it belongs do not have more value than the subject itself? Thus, when we take a close interest in painting in figuration, do we not ultimately retain what is most abstract in a figurative painting?

 

From then on, my detachment from figuration and my questioning of freedom in the act of painting had become obsessive. I needed to abolish the contours of the sensible world, to free myself from it, to go beyond its limits to project myself beyond its borders. I thus understood that only abstraction could allow me this surpassing to create my own universe..

 

It was from this moment, by freeing myself from the representation of reality that I really began to consider painting for itself in its substance, its essence. Thus, by truly becoming an actor more than a spectator, guided by cause and effect relationships, I could compose according to my reflection, my intuition, to give birth to infinite forms in order to find harmonious balances, happy coexistences.

 

This process finally gave me the opportunity to experience a sense of fullness in the act of painting and also allowed me, by being detached from the representation of the real world, to better understand abstraction, its history and the work of purely formalist painters, yesterday and today, which had been difficult for me to grasp until then. From then on, I could begin to compose by making shapes and colors dialogue in my own way according to a certain order through my reflections and experiments, without losing sight of my contemporaries, the progress of abstraction today throughout the world in order to find my positioning.

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So, for many years now, I've been exploring various aspects of abstraction to free my gesture, associating line and drawing with flat tints, and mixing techniques to achieve effects and cohabitation between colors, matter and materials. This has contributed to articulating my approach around three main axes that are both complementary and interdependent:

 

The first is characterized by a long process of accumulation of layers, of coverings until the end. A way of approaching the notion of repentance, construction and deconstruction in order to find the ultimate point of balance. In this approach, it is also a question of evoking the precise moment in the decision to complete a painting. This arbitrary decision-making guided by my intuition is unconsciously a way of putting a stop to the infinity of possibilities, of fragmenting it through each painting and of punctuating it with a temporality.

 

The second is a minimalist approach, in which the space is appropriated by small touches of color, stains and light, dynamic lines, rapid interventions that leave ample room for the white of the canvas and breathing. It's a way of going against the grain of the previous approach, by rapidly composing improvisation and limiting reworking.

The last approach is a synthesis of the previous two, with the addition of collages made from residual materials from works in progress or completed (traces on scraps of paper, leftover paint, used rags, etc.) and motifs taken from the street by means of transfers in graphite on scraps of canvas. It's a way of working with both recycled materials from the studio, which form part of the genesis of the works, underlining their interdependence through impregnation, and external motifs, to bring in signifiers that touch on the collective unconscious.

In practice, everything begins in the studio, this is where everything infuses in situ and rises to the surface. There is something fetal in this closed space conducive to the maturation of the works. The shapes and colors impregnated with its atmosphere are born there, thrive and each action is felt both as a conscious act of liberation and at the same time conditioned by cause and effect links. These forms are on the one hand from my imagination but are not foreign to those created previously and even if there is no narrative dimension strictly speaking in my work, the latter are linked to my history, my experience, my memories and can involuntarily evoke certain aspects of the real world (Object, landscape, scene, etc.). In any case, what must happen happens as something irrepressible as the composition evolves and no preparatory work is done beforehand. It is in action, improvisation, becoming one with the canvas, the enveloping space of the studio and gradually entering a state of trans, of semi-consciousness with reality that the painting begins to take shape. Nothing is possible, nothing can happen without entering into this spiritual dance around the canvas placed on the ground. Thus, for hours, in total osmosis with my universe, I concentrate on the composition and I wait, like a revelation, for this precise, so special moment to occur, or perhaps something unique will happen, giving the painting its strength, its intensity, its balance.

The origin of my approach was born from a reflection on freedom in the pictorial gesture and the need to go beyond the representation of the real world, to free myself from it to go beyond its borders, its contours, its limits. It is from this angle that I began to consider abstraction while questioning myself on the principle of causality, chance and the role of free will in the birth of forms. Thus, by becoming an actor rather than a spectator, starting from the observation that every effect has a cause, I compose according to my reflections, my intuition, mixing techniques to obtain effects, cohabitations between forms, colors and materials in order to find harmonious balances, happy coexistences. From then on, my approach became strictly formal and proceeds from a structured arrangement, made up of methodical interventions, lively and precise gestures. Over time, guidelines have emerged and taken root in currents oscillating between abstract expressionism, lyrical abstraction and art brut.

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